Les
Français aiment les activités sociales. Ils excellent dans l’art des relations
sociales. Ils adorent
discuter. Sur ce point ils sont très proches de nous, les Chinois. Nous appelons cela kandashan,
“tailler la bavette”. Où que ce soit, les gens bavardent et se répandent
tels les nuées qui couvrent les montagnes. Les sujets ? La nourriture, la
culture, la politique internationale. Les Français aiment s’inquiéter de tout
comme de vieilles personnes. Il n’y a pas de recoin du monde qui ne les
préoccupe. Ils parlent avec fougue. Mais il y a quelque chose de ce que nous,
les Pékinois, appelons « parler pour ne rien dire ». Dans les
contacts sociaux avec les Français, nos compatriotes chinois ne sont pas
toujours très à l’aise. La barrière de la langue, les sujets de conversation
peu consensuels en sont des raisons importantes. Mais plus important encore est
le fossé culturel. Le vieux maître Confucius disait que « l’honnête homme
est lent à la parole (et prompt à l’action) », illustrant la mise en garde
que « le malheur vient de la parole ». Les Français aiment parler devant
tout le monde. Lors d’une réunion internationale, il suffit qu’il y ait un Français,
et il veut la parole, laissant les autres muets de crainte. En outre, nos
compatriotes en général ne posent pas de questions. Ils préfèrent les poser à
la pause thé. Je pense que là réside le fossé culturel.
Le
collectivisme chinois face à l’individualisme français.
Pour
plusieurs raisons liées au contexte culturel, la situation du pays, le système
de management, les Chinois s’appuient sur un système collectif, et les Français
sur un système individuel. Beaucoup d’amis chinois me disent que la France est
le pays le plus individualiste au monde. La plus profonde impression laissée
quand on arrive en France, c’est d’être tombé dans un immense océan
d’individualisme.
Les
Français se font valoir sur le plan de la culture. Ils
recherchent l’épanouissement
personnel. Chacun se prétend le disciple de Descartes,
« je pense donc je
suis ». De ce fait, l’individualité occupe une
place très importante dans
la culture française. Un manque d’individualisme fait
perdre toute leur valeur
aux individus ou aux choses. L’exemple le plus typique est
l’architecture
française. A chaque quartier son style. Flânez dans les
rues de Paris, et vous ne
verrez pas deux bâtiments qui se ressemblent. Dans cette culture
qui affermit
l’individualisme, il est difficile de concevoir une pensée
unique. Dans une
situation de communication avec des Français, et tout
particulièrement lors
d’un cours donné à des étudiants, vous devez
faire admettre votre point de vue
par les camarades français. La meilleure méthode est de
les contredire dans un
premier temps. Ensuite revenez sur votre point de vue. En France, les
gens
aiment polémiquer. Ils apprécient
l’originalité. Les débats
télévisés ou au
parlement virent souvent à la querelle. Même à la
maison, les querelles
d’opinion sont le pain quotidien. Quand je dois rendre visite
à des amis, il
suffit que des invités lancent un sujet pour
qu’éclate un vif débat. Chacun
exprime son opinion. On ne se laisse plus parler et les visages
s’empourprent
jusqu’aux oreilles. Ces polémiques peuvent éclater
autant entre les invités
qu’avec l’hôte de maison. Aux yeux des Chinois, ces
joutes sont totalement
absurdes. En Chine, ce déchaînement de violence aurait
certainement une incidence
sur les relations futures entre les gens. Guidé par mon instinct
chinois, avec
un besoin d’unité révolutionnaire, je
m’empresserais pour m’interposer et rechercher
le consensus (doctrine du juste milieu). Cependant, quelques soient les
invités, la qualité de la soirée dépend des
sujets abordés, et surtout des
polémiques engagées. Plusieurs années
après, si les amis se souviendront de la
discussion, personne ne se souviendra de mes propos vides et
creux…
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